"Emploi d’Avenir Professeur", la précarité vue de gauche

mercredi 3 octobre 2012
par  Sud Education Lorraine

JPEG - 207.2 ko La méthode

Le Ministère a convoqué dans l’urgence en août une séance exceptionnelle du Conseil Supérieur de l’Éducation pour présenter le volet « professeur » des emplois d’avenir : organisations syndicales invitées le 10, texte transmis le 14, CSE le 24.

Présentation

L’emploi d’avenir est le nouveau contrat aidé d’accompagnement dans l’emploi promis par le candidat Hollande. Il entre dans le cadre du dispositif du Contrat Unique d’Insertion (CUI-CAE) déjà existant, payé au SMIC et financé à 75% par l’État. Si l’emploi avenir est orienté vers les jeunes de moins de 25 ans sans qualifications et issus des « zones sensibles », le volet « professeur » est présenté par le gouvernement comme un pré-recrutement d’étudiants se destinant à l’enseignement.
Il s’agit de contrats de droit privé, d’une durée d’un an, renouvelable deux fois, pour les étudiants qui s’engagent à passer les concours de l’Éducation Nationale. Les bénéficiaires seront recrutés localement par les EPLE (collèges et lycées) et exerceront leurs fonctions dans un ou plusieurs établissements ou écoles. Les missions exercées pourront être diverses, allant de l’activité périscolaire (pour les étudiants en L2) à l’enseignement (en M1). Ces emplois s’adressent particulièrement aux étudiants boursiers et la rémunération au SMIC horaire sera cumulable avec les bourses, l’ensemble n’excédant pas le SMIC. Le projet de loi prévoit un temps de travail hebdomadaire inférieur à la durée légale mais n’en précise pas le plafond qui sera fixé par un futur décret. Le gouvernement précise par contre que les horaires pourront être flexibles.

Analyse

Reconnaissons avant tout que ce dispositif est un peu plus avantageux que ceux créés par la droite et avec lesquels l’administration était conduite à exploiter des travailleurs de manière honteuse et dans la plus grande précarité, parfois même à des fins purement électorales (on se souvient notamment des milliers de contrats de six mois que les chefs d’établissements étaient enjoints à signer... six mois avant les élections présidentielles). En effet, ici, les contrats sont d’un an au moins, et il n’y a pas pour l’instant de mesure dérogatoire permettant de les rémunérer en dessous du SMIC. Dans la situation actuelle de chômage de masse et de pauvreté étudiante, nul doute que ce dispositif ne manquera pas de candidat-e-s, et on les comprend.
Cependant, pour SUD Éducation Lorraine, aucun changement radical de cap n’est perceptible dans ce nouveau dispositif. Au contraire, se voit confirmée une logique libérale en matière d’éducation, de formation et d’emploi, mais également une politique d’austérité où l’on répond aux besoins d’emplois publics par des contrats précaires payés au salaire minimum :

  • aucune création nette d’emploi, mais une réaffectation des crédits destinés aux emplois aidés préexistants ;
  • un dispositif qui reste très éloigné d’une véritable politique de lutte contre le chômage, notamment des jeunes ;
  • des contrats de droit privé qui n’ont rien à faire au sein du service public ;
  • un nombre limité (18 000 créations sur trois ans) dont les 2/3 des futurs professeurs ne bénéficieront pas ;
  • une logique libérale du « donnant-donnant » pour les étudiants, mais aucune dynamique du droit aux études supérieures ;
  • un travail qui, comme tout autre, nuit aux conditions d’études comme l’attestent les enquêtes sur le travail salarié des étudiants ;
  • un choix d’orientation professionnelle précoce (dès la fin de la première année de fac) ;
  • un recrutement local qui réaffirme le rôle de manager des chefs d’établissements ;
  • un dispositif qui ne contrecarrera pas le manque de candidats dont la cause tient plus à l’image de la profession et à la dégradation des conditions de travail ;
  • un texte qui semble confirmer entre les lignes la mastérisation et qui se contente simplement de corriger de manière très insuffisante les effets de l’allongement des études.

Réponse des organisations syndicales JPEG - 168.3 ko

Pour SUD Éducation qui siège au CSE, pour des raisons de fond et de calendrier, il n’était pas question de voter ce texte, la précarité ne répondra pas plus au chômage de masse qu’aux besoins du secteur public. Nous avons donc choisi de refuser de prendre part au vote. Cependant, il nous a semblé nécessaire de proposer un certain nombre d’amendements pour élargir au maximum la base des bénéficiaires et diminuer au maximum la précarité du contrat avant que le texte ne risque d’être voté en l’état. C’est peu dire que nous avons été surpris non seulement d’être la seule organisation à avoir tenté de l’améliorer, mais surtout des réactions de certaines autres organisations syndicales ! Tout d’abord l’UNSA a fait des pieds et des mains (sans fondement réglementaire) pour que nos amendements soient retirés des débats ; c’est l’administration elle-même qui l’a rappelée à l’ordre. Ensuite, l’UNSA, le SGEN et le SNALC ont voté contre nos amendements qui proposaient d’élargir la base du recrutement, de sortir le dispositif du cadre ultra-précaire des Contrats d’accompagnement vers l’emploi, de changer le contrat de droit privé en contrat de droit public, de transformer le recrutement local par les établissements en recrutement par les services déconcentrés du Ministère (Rectorat). FSU, CGT et FO ont voté pour nos amendements ou n’ont pas pris part au vote. Au final, le dispositif global « Emploi d’Avenir Professeur » a été adopté dans son état initial avec les voix de l’UNSA, du SNALC et du SGEN. Terrible manière de défendre les travailleurs que de voter pour maintenir des dispositions précarisant leur situation et sapant le service public avec des contrats de droit privé... Mais surtout belle occasion manquée de contraindre l’administration à améliorer le sort de 18.000 travailleurs.

Conclusion

En cette nouvelle rentrée scolaire donc, pas de véritable changement en perspective. Si le candidat Hollande avait annoncé pendant sa campagne électorale l’annulation des 14 000 suppressions de postes et le rétablissement de la formation des enseignants, le gouvernement du président Hollande s’est contenté d’un gros millier de suppressions annulées et d’un petit allègement horaire pour les stagiaires. Pas d’abrogation de contre-réforme éducative en perspective non plus. Et en matière de précarité, rien de nouveau sous le soleil non plus : les emplois d’avenir restent dans la droite ligne libérale des emplois aidés qui fleurissent sous diverses appellations depuis les années 80. A ceci près que le gouvernement y ajoute la contrainte d’austérité budgétaire : en réservant le volet « professeur » des emplois d’avenir aux étudiants se destinant à l’enseignement, il économise le montant des bourses qui leur sont attribuées. En effet, les emplois d’avenir professeur seront rémunérés 900 euros (1). Retirons de cette somme la bourse (qui serait payée à l’étudiant, donc déboursée par l’état, de toute façon), alors on peut se rendre compte que l’état ne paye ces emplois que 400 euros. Radieux !

À l’opposé de la poursuite de cette politique libérale et d’austérité, SUD Éducation revendique :

1) en matière d’emplois publics :

  • l’arrêt du recrutement de précaires et la titularisation de tous les précaires recrutés,
  • l’arrêt des suppressions de postes dans toute la fonction publique, le rétablissement des postes supprimés, et la création de véritables emplois publics statutaires à la hauteur des besoins,
  • la diminution et le partage du temps de travail,
  • une augmentation générale des salaires de tous les personnels.

2) en matière éducative :

  • la fin de la gestion managériale et concurrentielle de l’éducation,
  • des moyens matériels et humains garantissant des conditions de travail correctes pour les élèves et les personnels (baisse des effectifs par classe notamment),
  • l’abrogation de la mastérisation comme de toutes les contres-réformes éducatives menées par la droite,
  • le recrutement des enseignants sur concours à l’issue de la licence, suivi de deux années de formation professionnelle sous statut de fonctionnaire stagiaire dont une partie en alternance, avec un temps en responsabilité devant élèves d’un tiers temps au maximum et validé par la délivrance d’un master.

3) en matière d’études :

  • la reconnaissance d’un droit aux études supérieures et leur gratuité,
  • l’instauration d’un revenu socialisé pour tous les jeunes en formation ou privés d’emplois à partir de l’âge de la fin de la scolarité obligatoire.

4) en matière de financement :

  • un véritable partage des richesses qui, au regard du montant des profits réalisés et des revenus de la finance et du patrimoine, apparaît nécessaire et urgent.

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