« Université de Lorraine » : qu’y gagnons-nous ?

dimanche 30 mai 2010
par  Sud Education Lorraine

"Université de Lorraine" est l’appellation officielle du pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) qui regroupe les quatre universités de Lorraine. Le PRES de l’université de Lorraine a été créé le 26 octobre 2009. Il a le statut d’Établissement public de coopération scientifique (EPCS). L’établissement comprend les membres fondateurs suivants :
- l’Institut National Polytechnique de Lorraine ;
- l’université Nancy-I - Henri Poincaré ;
- l’université Nancy-II ;
- l’université de Metz - Paul Verlaine.
Ce PRES préfigure l’université unique "Université de Lorraine" qui devrait voir le jour vers 2012. La forme définitive n’est pas définie mais l’hypothèse de travail est que le statut de cette université de Lorraine devrait être celui de "grand établissement".

Pourquoi obtenir le statut de « grand établissement » ?
Pour pouvoir devenir campus d’excellence et être qualifié pour le grand emprunt, à savoir les 19 milliards d’euros dégagés par l’emprunt national pour l’enseignement supérieur et la recherche. Or « ne pourront répondre [aux] différents appels d’offre que les établissements, qu’ils soient des universités, des grandes écoles, des organismes de recherche, ou des regroupements d’établissements », explique Mme Pécresse au journal Le Monde. En outre, pour être sélectionné campus d’excellence, il faudra avoir une « visibilité mondiale », nouveau terme à la mode se référant au classement de Shanghai. Il s’agit d’un classement international qui mesure le « rendement » des établissements évalués selon plusieurs critères mesurables, taux de publications dans des revues internationales notamment. Or, ces critères sont fortement contestés par les scientifiques eux-mêmes et même par certains de ceux qui ont conçu ces mesures.
L’exemple du « facteur H » (= le facteur d’impact) est caractéristique. En effet, l’impact d’une publication est mesuré en fonction du nombre de fois où cette publication est citée par d’autres publications. Or, l’une des conceptrices du facteur H a montré que lorsqu’on publie un résultat faux, ce résultat sera nécessairement cité un grand nombre de fois dans toutes sortes de publications qui visent justement à démontrer la fausseté du résultat cité. Pour cette scientifique , un grand nombre de citations ne correspond donc pas forcément à une qualité scientifique sans conteste. D’où sa critique de l’utilisation de ce fameux facteur comme outil d’évaluation de la performance des établissements.

Dans la mise en œuvre de ces réformes, quelles sont les garanties pour les personnels ?
Pour le moment, il y en a fort peu et les inquiétudes sont nombreuses :

en matière de conditions de travail et de respect des métiers et des qualifications des personnels d’abord : sous couvert de restructuration des locaux et des services ou de redéploiement /mutualisation des personnels, le risque est grand d’alourdir les charges de travail ;

en matière de statuts surtout :
- la Prime de Fonction et de Résultats (circulaire Fonction publique du 14 avril 2009) et le décret relatif au statut des enseignants chercheurs sont deux dispositifs qui instituent la concurrence entre les personnels par une évaluation individuelle dont les critères et la pérennité dans le temps sont largement aléatoires et par la mise en place du salaire au mérite. Les primes, loin d’être un facteur d’émulation, se traduisent par la mise en concurrence des personnels les uns contre les autres et nuisent au travail collectif. La PFR (Prime de Fonction et de Résultats) est, en outre, financée par les suppressions de postes puisque, pour chaque poste non remplacé, une moitié du gain budgétaire réalisé est reversée au budget de l’Etat, l’autre moitié sert à financer les primes et indemnités des titulaires en exercice ;
- la modulation des services et le plafonnement des emplois ouvre la voie au recrutement de personnels précaires, lesquels deviennent la norme ; de plus, cette modulation s’accompagne de la mise en place de techniques de management très similaires à celles que l’on connaît chez France Telecom avec les résultats que l’on sait ;
- en outre, les personnels s’inquiètent de la perte du statut de fonctionnaire si l’université avait toute latitude pour recruter, gérer les carrières (et licencier), ce qui devient possible puisque la loi du 10 août 2007 institue la règle du budget global en lieu et place des emplois statutaires et ne distingue plus les personnels selon leurs missions (enseignement/recherche, administration, documentation) ni selon leurs statuts (titulaires ou contractuels) ;
- la suppression des postes de catégories C et le "repyramidage" des postes en catégories B ou A se traduisent par un recours accru aux contractuels, à l’externalisation des tâches, et, par voie de conséquence, à une dégradation globale des conditions de travail pour tous les personnels, enseignants ou BIATOSS ;
- la loi LRU, au nom de l’"autonomie", renforce le pouvoir des présidents d’universités et la dépendance des personnels vis-à-vis de leur établissement. Les "compétences élargies" des présidents dans la gestion des personnels sont lourdes de dangers pour les conditions de recrutement, de travail et de rémunération de tous, enseignants comme BIATOSS.

A quoi peut-on s’attendre ? L’exemple de l’université de Strasbourg

« Manquements à la démocratie, gestion autoritaire des ressources humaines, dégradation des conditions de travail de tous les personnels, des BIATOSS et des précaires en particulier : l’UdS est devenue une gigantesque entreprise (42 000 étudiants, 12 000 personnels dont la moitié de contractuels et vacataires) pilotée à vue par une équipe de direction essentiellement issue de l’ex-université des Sciences (ULP) et tout acquise à la politique gouvernementale. Celle-ci a pourtant été incapable d’anticiper la masse des problèmes induits par les effets cumulés de la fusion, de l’autonomie et des réformes en cascade. Le contraste est alors très fort entre la perception extérieure d’une UdS vitrine des pôles d’excellence, bénéficiaire des millions du Plan Campus, et la réalité quotidienne des personnels. […]
La restructuration complète des services centraux, loin d’être achevée à ce jour, fait peser sur les personnels administratifs et techniques une charge de travail aux conséquences humaines désastreuses : stress, dépressions, tentatives de suicide. C’est dans ce contexte très tendu qu’une intersyndicale offensive (FSU, CGT, SUD, FO) a porté dans les conseils centraux la voix des personnels et de plusieurs collectifs de BIATOSS et de précaires[…].
Sans création de postes statutaires, l’UdS restera cruellement sous-administrée. La Présidence et son secrétariat général ne cherchent de solutions que dans la rationalisation des moyens et la performance des personnels, que des primes au mérite- attribuées sans critères définis- sont censées stimuler. Que les nouvelles universités passées à l’autonomie le sachent : elles vont affronter un management de type rigoureusement entrepreneurial. Le bilan politique est non moins désastreux. La stratégie de l’exécutif se résume à trois mots : rentabilité, performance, excellence. Et il faut aller vite pour décrocher le milliard du Grand Emprunt
Enfin la recherche est en pleine restructuration. La transformation des nombreux organismes (CNRS, INSERM, INRA) en agences de moyens tend à privilégier les retombées économiques à court terme, en relation étroite avec des pouvoirs politiques locaux très influents. »
(Extrait d’un mail du secrétaire de la section SNESUP de l’Université de Strasbourg)


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