Le lycée des métiers

Une analyse de la commission fédérale enseignement professionnel
lundi 1er avril 2002

Le lycée des métiers est des plus difficile à contrer, car les premiers établissements labellisés ont souvent une pratique qui s’apparente déjà au lycée des métiers (convergence de formations initiales et en alternance autour d’un pôle de métiers, personnels satisfaits de cette évolution, discours valorisant des médias et du gouvernement, indécisions et confusions des autres syndicats…). Bref, lancer la lutte dans ces conditions n’est guère aisée, à moins de supposer que les personnels consulteront nos analyses, notamment le 4 pages de la commission Enseignement Professionnel paru dans le journal fédéral.

COMMENT CONTRER
LE LYCEE DES METIERS ?

(base de travail élaborée lors de l’AG du syndicat de la Somme le vendredi 8 mars 2002)

Parallèlement, nos militants doivent être persuasifs et clairs pour dénoncer l’établissement du lycée des métiers, mais cela n’est guère simple face à la globalité de cette réforme ainsi que face à la diversité des publics concernés (enseignants titulaires, non titulaires, élèves, parents d’élèves, représentants des institutions).
Afin d’améliorer notre force de persuasion, nous avons pensé à définir différents angles d’approches :

1/ Le vice de procédure :

la labellisation se doit de respecter les instructions du BO n°47 de décembre, c’est à dire que les personnels, les élèves et les parents d’élèves doivent être consultés. Le non-respect de cette obligation peut arrêter, ou tout au moins retarder, la labellisation. Ce point n’est pas à négliger car les organisations (autres syndicats, parents d’élèves et élèves) seront sans doute favorables à l’idée qu’il n’est pas normal qu’on ne leur ait même pas demandé leur avis . . .
- Cette méthode ne remet pas en cause la finalité du lycée des métiers, mais elle a au moins le mérite de créer un clivage entre les proviseurs (et le recteur), et le reste des représentants des conseils d’administration.

2/ les élèves et les parents d’élèves :

Ils représentent l’élément indispensable pour contrer le lycée des métiers. L’argumentaire pour les convaincre peut se situer autour des axes suivants :
- la disparition des filières autres que le (ou les) métiers choisis.
Cet argument est très fort car la pluralité des disciplines et des publics est souvent perçue comme un élément favorable, équilibrant, de l’établissement. Le lycée des métiers apparaît sous cet angle comme une rupture avec ce qui existait, l’image de « ghetto » voué à la formation pour les entrepreneurs locaux apparaît indirectement.
- la casse des diplômes nationaux,
La spécialisation des établissements en fonction des bassins d’emploi va entraîner une adéquation des formations, au détriment des savoirs et savoir-faire nationaux. Le danger dans ces conditions est grand de voir se développer le « bac-maison », ou tout au moins les diplômes régionaux, vu l’importance des régions dans le financement des formations initiales et continues.
- la dépendance vis à vis des entreprises.
Les conséquences de cette attaque des diplômes nationaux touchent surtout à « l’employabilité » des élèves. En effet, le lycée des métiers en développant la « synergie » entre les formations dispensées au sein du lycée des métiers et les entreprises locales va spécialiser les formations autour des compétences immédiatement nécessaires pour le bassin d’emploi partenaire.
- la compétence ou l’ultra-spécialisation au détriment de la capacité.
Pour un élève possédant un diplôme dévalorisé (maison ou régional), partir travailler avec d’autres employeurs se fera dans des conditions défavorables (en terme de rémunération et de statut), sauf pour les spécialistes du moment. En effet, « l’employabilité » tant clamée par les employeurs et le gouvernement se base sur l’adaptabilité des formations aux compétences nécessaires et immédiates pour la production à court terme. Cette donnée se révèle paradoxale, car c’est au moment où tous les discours affirment que l’individu devra régulièrement se mettre à niveau, que le gouvernement spécialise au maximum les formations.
- Nous pensons, à SUD Education, qu’il faut au contraire axer l’enseignement autour de bases et de méthodes permettant à nos élèves de s’adapter tout au long de leur vie, et non d’être « performant » tout de suite pour l’entreprise, puis jeté lorsque la production se modernise, ou que l’entreprise s’automatise ou délocalise.

3/ Les enseignants :

les personnels confrontés au lycée des métiers portent un regard très hétérogène sur le lycée des métiers.
- Certains y voient la possibilité d’obtenir des publics plus motivés, d’obtenir des moyens financiers de par le partenariat avec l’entreprise.
- D’autres peuvent se sentir relégués car leur établissement n’est pas labellisé lycée des métiers. Enfin, certains collègues critiques peuvent reprocher le manque de dialogue autour de ce projet (les tables rondes instituées par Mélenchon ont fonctionné, mais seulement avec les bureaucraties syndicales qui se sont gardées d’en faire des comptes-rendus à la base).
Il nous faut donc mêler à la fois des aspects concrets de la mise en place du lycée des métiers et des analyses politiques sans ambiguïté.

Les aspects concrets du passage au lycée des métiers :

- la disparition de certaines filières.
Cet argument est très fort car la pluralité des disciplines et des publics est souvent perçue comme un élément favorable, équilibrant, de l’établissement. Le lycée des métiers apparaît sous cet angle comme une rupture avec ce qui existait, l’image de « ghetto » voué à la formation pour les entrepreneurs locaux apparaît indirectement. Par ailleurs, la suppression des filières ne va pas sans suppression de postes.
- la multiplication des publics.
Le lycée des métiers se définit par la synergie entre l’ensemble des formations autour d’un métier, d’un groupe de métiers ou de métiers connexes. Cela signifie concrètement que les publics à « former » seront très divers : élèves (de segpa, de BEP, de bac pro, de lycée technique, de lycée général, BTS, IUT, licences professionnelles), apprentis (CFA), adultes (en stages de formation confiés par les entreprises « partenaires » lors des périodes de calme, en stages de réinsertion avec des chômeurs et autres personnes assistées obligées d’effectuer ces stages comme le prévoit le PARE, ce qui laisse présager d’une faible motivation…)
- la multiplication des personnels. La mise en place du lycée des métiers signifie également la multiplicité de personnels. Non pas que nous soyons pour la spécificité des structures éducatives comme les LP ! Bien au contraire, le rassemblement des personnels peut permettre des revendications statutaires précises, et aussi des revendications sociales ! Mais le lycée des métiers va s’effectuer avec un développement de personnels précaires, dont les professeurs associés, personnels prêtés par les entreprises pour assurer des formations. Le GIP peut aussi embaucher ses propres personnels, de droit privé. Il est clair que dans ces conditions, le danger est grand de voir se multiplier des personnels sans aucun pouvoir de contestation, ce qui cassera la possibilité de lutte unitaire des personnels.

- la dégradation des conditions de travail.
Il est évident que dans la logique de réduction des dépenses publiques, il ne faut pas espérer une création massive de postes. L’utilisation des personnels va être au contraire développée (récupération des horaires quand les élèves seront partis en stage pour assurer des formations à d’autres publics, rassemblement de classes différentes pour optimiser les effectifs selon les disciplines, intégration d’apprentis aux classes en formation continue : la « pédagogie différenciée » selon Mélenchon)

- la généralisation de l’annualisation et de la flexibilité.
L’accueil de publics aussi variés ne peut s’effectuer qu’avec une annualisation des horaires et la généralisation de la flexibilité. Penser que les horaires des personnels ne seraient ni annualisés, ni flexibles relève de l’aveuglement, la casse des statuts des personnels ATOSS répond notamment à cette attente d’EPLE ouverts toute l’année. N’oublions pas que les enseignants n’ont droit qu’à 5 semaines de congés, leur libération n’est que le résultat des vacances des élèves. Un établissement accueillant des personnels en formation continue ou en reconversion professionnelle peut fonctionner toute l’année… comme certains CFA.

- la hiérarchisation des conditions de travail.
(Chef de projet, cadrage précis des projets : matériel, évaluation plus importante que moyens)
Le fonctionnement du lycée des métiers s’effectue sur des bases d’enseignement beaucoup moins cadrée que le système des lycées. Dans ces conditions, il est clair que les projets divers vont se généraliser, au détriment des disciplines. Le passage du poste d’enseignant à celui de formateur va donc nécessiter la mise en place de personnels référant dans certains projets tels les PPCP, les TPE, l’ECJS… Ces nouvelles « méthodes d’enseigner » ont une organisation très stricte, où l’évaluation des compétences est très cadrée. Certes, l’application actuelle des ppcp par exemple est une véritable catastrophe dans énormément d’établissements, mais ce constat ne brise en rien la propagande vantant les projets… L’important n’est pas que cela marche, l’important est que cela se banalise, après, l’utilisation techniciste, le flicage des inspecteurs, des personnels de direction et des « collègues » référents ainsi que le partenariat avec les entreprises se chargeront de mettre au pas les enseignants.
- le développement des postes à profil.
La structure du lycée des métiers comme centre de formation en flux tendus, répondant aux attentes de la région, des entreprises, du rectorat ne peut qu’instituer l’individualisation des postes. Le développement des postes à profil signifie que ce sont les directeurs qui choisiront le personnel comme cela s’effectue depuis quelques années avec les contractuels, vacataires et autres CES-CEC et emplois jeunes (auparavant, les MA dépendaient du Rectorat).

Les aspects politiques du passage au lycée des métiers :


- la fin de l’enseignant et l’arrivée du formateur à flux tendu.
(fusion des formations initiales, continue et sociales (PARE, réinsertion sociale)
- la fin des disciplines, vers l’hégémonie du « projet interdisciplinaire »
Le centre de formation en flux tendu sous-entend que les personnels « acceptent » d’adapter leur travail aux besoins des publics, besoins dorénavant identifiés par le patronat et les politiques. Cela explique le développement des IDD en collège, des PPCP, ECJS, TPE en lycée, etc.
- la fin des choix pédagogiques des enseignants.
- La perte des heures pour les disciplines, le développement des projets interdisciplinaires affectent la lisibilité des référentiels.
La place des GIP académiques ainsi que des plates-formes technologiques dont les moyens dépendent de moins en moins des personnels des EPLE entraîne le renforcement du poids des structures économiques et politiques, dont la finalité risque grandement d’être axée par des impératifs de résultats à courts termes et au moindre coût, au détriment de la qualité.

4/ Les institutions :

Les représentants des pouvoirs politiques peuvent être interpellés sur leur vision de l’éducation et de la formation. Cet élément prend toute sa place en ce moment, période de campagne électorale.
- la casse du service public d’éducation.
- la fin d’une répartition homogène des formations.
- la fin de la valeur nationale des diplômes.
- la dépendance à l’égard du patronat (rentabilité à court terme à moindre prix)


(SUD Education 91 ; commission Enseignement Professionnel)


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